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Histoire d’une plume qui prend son envol

Septembre 2022 1-129 avenue Daumesnil

Histoire d’une plume qui prend son envol

L’histoire de la plume est un modèle de résilience. Gracile objet de désir, matériau éveillant parfois le soupçon, la plume est en mue perpétuelle. La plume, choyée ou chahutée, se transcende pour vivre avec son temps

Un art sacré qui traverse le temps

L'art plumaire est un art sacré qui a traversé le temps. Des peuplades primitives, de l’Antiquité, nous restent des traces de la présence de plumes dans les épisodes sacrés, les événements et tous moments à forte charge symbolique.
À la fois signe de distinction identitaire et sociale, la plume est signifiante, sorte de langage lors de rituels et cérémonies. Par exemple, la plume d’aigle des amérindiens est symbole d’honneur et le courage.

Sous Charlemagne les plumes de paon et de flamants roses étaient très prisées. Plus tard c’est Louis XIV qui popularise le porté de plumes, ornemental, esthétique plus que symbolique. À l’époque plumes de coq, de vautour, de héron, de geai, d’autruche étaient recherchées par la noblesse. Fort heureusement, aujourd’hui, le choix et l’usage de la plume est strictement réglementé ; on y reviendra.
La Révolution passe par là, et on attendra l’Empire pour voir réapparaître la plume sur les vêtements. On passe les siècles, pour se retrouver à l’Age d’or de la plumasserie qui commence fin du XX -ème siècle et s’étend jusque dans les années 20.

Splendeurs, misères et renaissance de l’art plumassier

À Paris au début du XX -ème siècle, le marché de la plumasserie est un marché florissant. On dénombre dans la capitale pas moins de huit-cents maisons. Ces maisons employaient six à sept mille personnes. Les plumassiers étaient spécialisés par type de plume, par technique d’embellissement. On y confectionnait des chapeaux, des parures, des ornements pour les robes.
Les belles de l’époque rivalisaient et c’était à celle qui aurait le plus beau, le plus sophistiqué, voire le plus haut des chapeaux.

C’est à partir des années soixante que la plume si prisée, accessoire de mode du vêtement féminin perd de sa superbe. C’est la fin relative de l‘utilisation des plumes dans la mode. Les raisons de cet abandon résident très certainement dans l’évolution de nos sociétés. Le vêtement féminin devient utilité et non plus uniquement décoration et parure. Les femmes travaillent, abandonnent notamment peu à peu l’usage du chapeau.

On compte aujourd’hui une quarantaine d’artisans plumassiers qui officient. Le métier est emblématique des valeurs artisanales, avec des méthodes et des outils uniques. Très prisé par l’univers du luxe, cet art demande minutie, précision, dextérité et également créativité.

Car la plumasserie n’est pas morte. Si loin est le temps des beaux jours de la Belle Époque, la plumasserie sait se défendre, défier le temps et privilégier le temps long. Si la plumasserie a quitté la tête des élégantes, elle se réinvente en joaillerie, horlogerie, en décoration d’intérieur, en ameublement, jusque dans l’art.

Et la plumasserie devient un art

Les plumassiers sont désormais sollicités pour parer des voitures des bateaux, des murs, des meubles. Le champ des possibles est infini. Les décorateurs stars s’en saisissent et de manière plus confidentielle, plus discrète, utilisent ce matériau pour habiller, qui les murs d’une antichambre, qui les parois d’un salon privé. Le beau, l’excellence, le jeu infini de la lumière sur cette matière en font un terrain de jeu privilégié. Jusqu’à attirer l’attention des amateurs d’art et les musées.

Julien Vermeulen a fondé sa Maison à Paris en 2014. Celui-ci a pour ambition de préserver la tradition ancestrale de cet artisanat, tout en innovant et faisant évoluer les techniques, il modernise la plume et partage ce savoir-faire. Le jeune artiste a notamment travaillé pour Jean Paul Gaultier, Chanel, Louis Vuitton, Schiaparelli, Valentino, ou encore Dior, et est entré au Palais de Tokyo et au Musée des Arts décoratifs grâce à ses œuvres.

En tant qu’artiste-plasticien, Julien Vermeulen transcende la matière-plume. Preuve que la plume n’est pas morte. Décriée par méconnaissance parfois ; elle est pourtant précurseur en bien des domaines. Julien a choisi sitôt après avoir fini sa résidence aux Ateliers de Paris, d’établir sa « Maison Vermeulen » au Viaduc des Arts en 2017. Ainsi, année après année, la Maison Vermeulen a construit sa notoriété, son image à l’abri des voûtes. Conscient de la réputation et du statut du Viaduc, le jeune entrepreneur souhaitait installer sa maison à « Une Adresse ».

Comme plusieurs artisans avant lui, cinq années plus tard et fort d’une attractivité acquise grâce à son talent et la renommée du Viaduc des arts, Julien Vermeulen a rejoint sa région de cœur, la région angevine si fertile en métiers d’art, filatures et autres industries de la plume.

Un métier, précurseur de l’up-cycling

Qu’on se le dise, aujourd’hui les plumes ne viennent plus d’animaux que l’on tue à cet effet ! Et ce depuis bien longtemps déjà ; d’un temps qui ne connaissait pas le mot « up-cycling ». C’est bien pourtant de cela dont il s’agit.

Dès 1902, la Convention pour la protection des oiseaux utiles à l’agriculture de Paris protège toutes les espèces d’oiseaux. En 1950, cette convention devient la Convention internationale sur la protection des oiseaux. En France les DREAL (directions régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) listent les espèces protégées.
C’est en 1972 qu’au niveau international, les oiseaux sont protégés par les lois qui gèrent la protection de la nature. Aussi appelée Convention de Washington, un accord intergouvernemental entre États est signé le 3 mars 1973 et assure que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces.

S’il est interdit de tuer des animaux pour en utiliser les plumes, le ramassage même est interdit en France.

Alors d’où proviennent les plumes que travaillent les artisans plumassiers ? Les plumes sont des déchets de l’industrie agro-alimentaire ou des plumes "de mues". La traçabilité est strictement surveillée. Toute importation doit être déclarée.

Les plumes sont donc des produits de recyclage et seulement des produits de recyclage. Tendance on vous le disait et même précurseur si l’on s’en tient à la réflexion menée depuis 1902.

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